Je m’appelle Julie Botet, j’ai quinze ans et j’habite Mirefleurs, près de Clermont-Ferrand. Si je suis ici, en seconde générale au Lycée Saint-Eugène, c’est pour assouvir ma soif de danser. Je suis danseuse à la Manufacture Vendetta Mathea à Aurillac. Si j’étais un chapeau, je serais un chapeau melon rose. Je me loverais sur le chef de Coco Chanel pour découvrir Sydney…
Je m'appelle Yolene Floret, j'ai 16 ans, j'habite Riom-ès-Montagnes. Je suis actuellement en seconde générale au Lycée Saint-Eugène. L'année prochaine, j'aimerai passer en ST2S pour devenir infirmière chez les marins-pompiers. Si j'étais un chapeau, je serais le chapeau du Chat Botté. J'habiterais la tête de Rachida Dati, qui m'emmènerait à la découverte de Tokyo…
Je m'appelle Claire Barbet, j'ai seize ans, j'habite Naucelles, près d’Aurillac. Je suis au Lycée Saint-Eugène en seconde générale. L'année prochaine, j'envisage de passer en première ST2S pour être infirmière plus tard. Si j'étais un chapeau, je serai le chapeau de Peter Pan, gris avec des poids violets. Je trônerais sur la tête de Thierry Henri pour aller visiter New York…
Notre autoportrait en triptyque s’intitule « Si nous étions des chapeaux… ». Ce travail de portrait chinois se présente sous la forme de trois toiles, format A3. Chaque toile est propre à l’univers, à la personnalité, de chacune d’entre nous.
Pourquoi « être » un chapeau ?!
Au 19ème siècle et au 20ème siècle, le chapeau était considéré comme un signe de distinction sociale. Le type de chapeau porté par une personne suffisait pour identifier la classe sociale à laquelle elle appartenait. Le paysan a longtemps porté le béret basque et l’ouvrier la casquette, tandis que le chapeau melon était signe d’embourgeoisement et le haut de forme signe d’appartenance à la classe dirigeante.
Aujourd’hui, le chapeau n’a plus vraiment cette fonction de distinction sociale, sauf peut-être en Angleterre où la Reine et les femmes membres de l’aristocratie portent, à l’occasion, de fameux chapeaux. Ce qui est assez comique, c'est le sérieux avec lequel elles portent leurs coiffes surdimensionnées.
De nos jours, il s’agit plutôt d’une histoire de goût ou de mode. Maintenant, les personnes à chapeaux sont de plus en plus rares. Les quelques individus portant des chapeaux veulent se démarquer, non pas pour exhiber leur supériorité sociale ou financière mais pour affirmer une singularité ou pour paraître décalé, pour ne pas ressembler aux autres. Cet aspect du chapeau nous a conduits sur d’autres pistes…
Au fil du temps, le chapeau est devenu un accessoire important pour certains cinéastes, peintres et metteurs en scène. Magritte, Charlot ou encore Laurel et Hardi ont tourné en dérision l’image du bon bourgeois. Si l’on prend la figure de Charlot, il ne faut pas oublier que ce personnage est un mendiant qui, malgré toutes les misères qui lui tombent dessus, tient à garder bonne allure, celle d’un bourgeois caractérisée par le chapeau melon, le frac et la canne. Le contraste entre sa condition de mendiant et son allure est source de comique. La canne et le chapeau deviennent alors des accessoires burlesques.
A la même époque, Magritte commence à composer des tableaux surréalistes et poétiques où le chapeau joue un rôle fondamental, comme dans son œuvre Golconde de 1953, un tableau surréaliste qui représente de manière répétée, quasiment obsédante et symétrique, un homme anonyme, un peu raide, qui « pleut » sur la ville (représentée par de simples immeubles blancs au toit rouge). Cette « pluie » d'hommes aux chapeaux melon, vêtus de gris foncé, est devenue une métaphore de la condition humaine au 20ème siècle, le symbole de la perte d'identité individuelle et de la banalité monotone du quotidien.
Nous avons donc été attirées par le chapeau en tant qu’accessoire mais surtout comme élément de fantaisie. Puis, c’est en ayant à l’esprit les chapeaux extravagants des élégantes du siècle des Lumières, très complexes, fait de plumes et d’ornements en tout genres, que nous sommes restées sur le chapeau comme idée artistique pour un autoportrait. A partir de ce moment-là, fantaisie, délire, surréalisme et folie ont été les mots clés de nos œuvres.
Nous voulions de la folie. Inconsciemment peut-être, le Chapelier Fou d’Alice aux Pays de Merveilles, qui illustre exactement l’esprit de nos œuvres, a orienté notre choix. Le Chapelier Fou est, comme son nom l’indique, complètement toqué, tout comme ses chapeaux totalement délirants. Le nom du Chapelier Fou fut inspiré de l’expression « as mad as a hatter », c'est-à-dire : « fou comme un chapelier », ou : « travailler du chapeau ». Pour l’anecdote : un fait scientifique explique cette expression ; le mercure faisait parti des matériaux utilisés pour la fabrication des chapeaux en feutre et rendait les chapeliers malades, leur langage devenant confus et leur vision trouble. Le Chapelier Fou tient des propos dérangeants : « Pourquoi un corbeau ressemble-t-il à un bureau ? » est sa devinette favorite. Elle n’a ni queue, ni tête, et elle interpelle le récepteur. Et c’est cet aspect-là qui nous a inspiré. Nous voulions que le spectateur soit interpellé, qu’il ne comprenne pas nécessairement, qu’il soit interpellé par tant de délire et qu’il soit amené à faire fonctionner son imagination, à interpréter notre œuvre en faisant travailler sa propre « folie », qu’il soit en quelque sorte amené à travailler du chapeau !
Toute cette fantaisie nous a aussi conduits sur les pas des créations de Walt Disney. Nous avons eu besoin de nous remémorer les différents dessins animés qui ont bercé notre enfance pour nous plonger dans un univers un peu féérique, magique et enfantin. Ainsi, Peter Pan et le Chat Botté apparaissent dans notre œuvre.
Claire a choisi d' « être » le chapeau de Peter Pan, car elle aimerait se retrouver dans l'histoire dans laquelle il joue. Elle voudrait être comme lui, un enfant qui refuse de grandir, avoir son petit monde imaginaire, et vivre des expériences extravagantes. Ce personnage est affectueux, joyeux et innocent. Claire a choisi le gris, l'innocence, et le violet, l'extravagance, ce qui colle totalement au portrait qu’elle se fait de Peter Pan.
Yolène a voulu "être" le chapeau du Chat Botté tout simplement parce que ce personnage est courageux et élégant. Elle aime sa démarche et sa grande certitude, le fait qu'il ne se dévalorise jamais. Elle aimerait être comme lui... Les deux couleurs qu’elle a choisis sont le rouge pour le sang des nombreux combats du Chat Botté et le noir pour son élégance. Ces deux couleurs reflètent aussi le côté battant de Yolène.
Mais nous ne nous sommes pas arrêtées là. Nous avions d’autres sources d’inspiration…
Nous sommes tombées sur les œuvres du modiste sculpteur Philipe Treacy, grand créateur de chapeaux de toutes les tailles, formes et couleurs. Ses chapeaux peuvent aller du provoquant au passe-partout. Certains de ses chapeaux cachent même le visage de la personne. A partir de ces œuvres, nous avons pu formuler une petite théorie. Certaines personnes portent des chapeaux pour se cacher, pour ne pas se dévoiler, par pudeur. Ce sont des personnes qui ne s’acceptent peut-être pas. Elles portent donc un chapeau de couleur fade et très discret pour qu’on ne les remarque pas. D’autres, au contraire, vont porter des chapeaux colorés et très fantaisistes qui vont nous permettre de dire que ces personnes ont confiances en elles. Mais il y a aussi celui qui porte un chapeau par effet de mode, pour faire comme les autres. Même si le chapeau est majestueux, c’est pour cette personne une manière de se cacher dans la foule. Cette personne essaie de se forger une personnalité tout en se fondant dans le groupe, éternel adolescent qui cherche sa voie… Cette petite théorie est basée sur des idées peut-être trop schématiques, certes, mais elle permet quand même d’affirmer que chaque chapeau reflète une personnalité. C’est à chacun d’interpréter comme il le veut, mais nous, nous pensons qu’un chapeau en dit long sur une personne… Ainsi, les œuvres de Philipe Treacy nous ont aidées et ont influencées notre démarche artistique.
Outre tout ce qui vient d’être dit, nous avons voulu inviter le spectateur à un voyage imaginaire mais aussi à un voyage dans l’espace. Pour accentuer encore plus le côté surréaliste de notre œuvre, nous avons personnifié nos chapeaux à tel point qu’ils peuvent voyager d’ici à New York, Sydney et Tokyo. Nous sommes jeunes, nous rêvons de voyages, de découvertes. New York, Sydney et Tokyo sont nos villes favorites, les villes qui nous donnent envie de voyager et d’apprendre.
Si nos chapeaux voyagent, c’est qu’ils servent de couvre-chef à des personnalités « globe-trotters » qui nous ont marquées. Pour moi, Julie, ce fut Coco Chanel. Pour le choix de ces personnalités, nous avons fonctionné selon le principe du « Brain Storming », l’orage de cerveau. Moi, Julie, j’ai donc pensé à Coco Chanel sans vraiment y réfléchir. Maintenant, après mûres réflexions, je suis à même de vous expliquer pourquoi j’ai voulu être le chapeau de Coco Chanel. J’ai voulu être son chapeau, car Coco Chanel incarne pour moi l’élégance, la créativité et l’innovation. Elle a libéré la femme du corset et de ses vêtements passéistes. De plus, Chanel était une femme passionnée et admirablement travailleuse. J’ai donc voulu me lover sur sa tête car c’est là que siègent l’intelligence et la fantaisie de cette femme. C’est comme si, en devenant son chapeau, je m’inspirais de son esprit.
Moi, Yolène, j'ai choisi le personnage de Rachida Dati parce que c'est la première personne qui m'est venu à l'esprit. Pourquoi? Je ne sais pas exactement mais je trouve qu'elle dégage une forte personnalité et que malgré son parcours plutôt difficile, elle a tout de même atteint un haut niveau politique.
Enfin, pour moi, Claire, ce fut Thierry Henri. C'est la première célébrité qui m'est venue en tête. De plus, Yolène et Julie ont choisi des personnalités femmes, et j'ai donc jugé bon de placer un homme dans notre série d'œuvres.
C’est en visitant la réserve du MAAA que nous avons trouvé une œuvre d’art qui fait écho à notre triptyque : un tableau de Louis Capmau de trois femmes lourdement habillées et arborant des chapeaux majestueux et fantaisistes. C’est un beau dessin de mode en tons pastel datant de 1900 utilisant un mélange de sanguine, de craie blanche et de couleur. Son atmosphère est à l’opposé de notre œuvre. Même si les chapeaux de Capmau nous paraissent excessifs, le thème est traité de façon neutre. L’artiste ne cherche pas à créé une « atmosphère » ou à faire passer un message. Dans notre ouvre disloquée, même le thème n’est pas mis en évidence ! Nous aimons bien ce contraste entre le sage dessin de Capmau et nos collages loufoques ; et vous ?