vendredi 23 avril 2010


Je m’appelle Julie Botet. J’ai quinze ans. J’habite à Mirefleurs, près de Clermont-Ferrand. Si je suis ici, en seconde générale au Lycée Saint Joseph, c’est pour assouvir ma soif de danser. Je suis danseuse à la Manufacture Vendetta Mathea à Aurillac.

Notre œuvre s’intitule « If I were hat », « Si j’étais un chapeau ». Ce travail se présente sous la forme de trois toiles, format A3. Chaque toile est propre à l’univers, à la personnalité de chacune d’entre nous. Vous remarquerez aussi que chaque toile est sonorisée. Les différents sons que l’on entend correspondent en fait aux bruits ambiants des trois villes que nous avons choisies et qui nous correspondent. Entre chaque cadre, le spectateur remarquera la présence de deux  petits avions qui permettent une meilleure transition entre les toiles. Nous avons voulu accompagner l’œil du spectateur de toile en toile.

Le chapeau ? Pourquoi « être » un chapeau ?
Au XIX et XXe siècle, le chapeau était considéré comme un signe de distinction sociale. Le type de chapeau porté par une personne suffisait pour identifier la classe sociale à laquelle elle appartenait. Par exemple, le paysan a longtemps porté un béret ; l’ouvrier selon son secteur d’activité, porte le casque ou la casquette. Tandis que dans les catégories plus aisées, le chapeau haut de forme ou le chapeau melon était signe d’embourgeoisement. Ces chapeaux allaient souvent de pair avec la canne. Chapeau et canne sont en effet les ingrédients indispensables d’une allure assurée et distinguée. Dans ce contexte, les catégories aisées portaient des chapeaux afin de se distinguer du bas-peuple.
Aujourd’hui, le chapeau n’a plus cette fonction à l’exception, peut être, de la reine d’Angleterre et ses fameux chapeaux et peut être aussi d’une minorité qui ressent encore le besoin de se distinguer du reste de la population. Ce qui est assez comique chez la reine d'Angleterre, c'est son allure tout à fait sérieuse et distinguée, en totale opposition avec ses chapeaux complètement tordus. En fait, c'est amusant de voir qu'elle porte des chapeaux ridicules mais toujours avec beaucoup d'aplon.
 De nos jours, il s’agit plutôt d’une histoire de goût ou de mode. Maintenant, les personnes à chapeaux sont de plus en plus rares. Les quelques individus portant des chapeaux veulent se démarquer, non pas pour exhiber leur supériorité sociale ou financière mais pour affirmer une singularité ou paraître décalé, pour ne pas ressembler aux autres. Cet aspect du chapeau nous a conduites sur d’autres pistes…
Au fil du temps, le chapeau est devenu un accessoire important pour certains cinéastes, peintres et metteurs en scène. Magritte, Charlot ou encore Laurel et Hardi ont joué et tourné en dérision l’image du bon bourgeois. Si l’on prend la figure de Charlot, il ne faut pas oublier que ce personnage est un mendiant qui, malgré toutes les misères qui lui tombent dessus, tient à garder bonne allure, l’allure d’un bourgeois caractérisée par le chapeau melon, le frac et la canne. Le contraste entre sa condition de mendiant et son allure est source de comique. La canne et chapeau deviennent alors des accessoires burlesques.
A la même époque, Magritte commence à composer des tableaux surréalistes et poétiques ou le chapeau joue un rôle fondamental, comme dans son œuvre Golconde de 1953. Golconde est un tableau surréaliste qui représente de manière répétée, quasiment obsédante et symétrique, un homme très impersonnel, un peu raide, qui « pleut » sur la ville représentée par de simples immeubles blancs au toit rouge. Cette « pluie » d'hommes au chapeau melon, vêtus de gris foncé, est devenue une métaphore de la condition humaine au XXe siècle, le symbole de la perte d'identité individuelle et de la banalité monotone du quotidien.
Nous avons donc été attirées par le chapeau en tant qu’accessoire mais surtout comme élément de fantaisie. Parmi la liste qui nous a été proposé au départ, nous avons accroché à l’idée du chapeau. Puis, c’est en ayant à l’esprit les chapeaux extravagants des élégantes du siècle dit des lumières, très complexes, fait de plumes et d’ornements en tout genre que nous sommes restées sur le chapeau. A partir de ce moment-là, fantaisie, délire, surréalisme et folie ont été les mots clés de nos œuvres.
Nous voulions de la folie. Alors nous nous sommes posées une question : Qui peut-être assez fou pour s’imaginer être un chapeau ? La réponse est : NOUS. Inconsciemment peut-être, le chapelier fou d’Alice aux pays de merveilles, qui illustre exactement l’esprit de nos œuvres, a orienté notre choix. Le Chapelier fou est, comme son nom l’indique complètement toqué. Tout comme ses chapeaux, totalement délirants. Le nom du Chapelier fou fut inspiré de l’expression « travailler du chapeau » ; « as mad as a hatter ». Il existe une certaine confusion en ce qui concerne la signification de cette expression qui peut également dire « fâché comme un chapelier » ou « fou comme un chapelier ». Cependant, il faut savoir qu'il existe un fait scientifique qui explique cette expression "As mad as a hatter",  qui lie chapellerie et folie. L'usage du mercure faisait parti de la préparation de matériaux utilisés pour la fabrication des chapeaux en feutre. Le mercure rendait  les chapeliers malades. Ils leur étaient impossible de ne pas inhaler les vapeurs de mercure. Les chapeliers devenaient alors victime des premiers symptômes, c'est-à-dire : un langage confus et une vision déformée. Ainsi, on disait des chapeliers qu'ils étaient fous. D'ou l'expression  : "As mad as a hatter". Le Chapelier dégage de la folie, une folie parfois même dérangeante : « Pourquoi un corbeau ressemble à un bureau ? » est la devinette favorite du Chapelier fou. Cette devinette n’a pas de réponse, elle n’a ni queue, ni tête, elle interpelle le récepteur. Et c’est cet aspect-là dont nous nous sommes inspirées. Nous voulions que le spectateur soit interpellé, qu’il ne comprenne pas, qu’il soit dérangé par tant de délire et de folie et qu’il soit amené à faire fonctionner son imagination, à interpréter notre œuvre en faisant travailler sa propre folie. En un mot, qu’il soit en quelque sorte amené à travailler du chapeau.
Toutes cette fantaisie nous a aussi conduites sur les pas des créations de Walt Disney. Nous avons eu besoin de nous remémorer les différents dessins animés qui ont bercé notre enfance pour nous plonger dans un univers un peu féérique, magique et enfantin.
Mais nous ne sommes pas arrêtées là. Nous voulions encore plus de sources d’inspiration.
Alors nous avons cherché et nous sommes tombées sur les œuvres du modiste sculpteur Philipe Treacy. Grand créateur de chapeaux, il en crée de toutes les tailles, de toutes les formes et de toutes les couleurs. Ces chapeaux peuvent aller du provoquant au passe-partout. Certains de ses chapeaux cachent même le visage de la personne. A partir de ces œuvres, nous avons pu dégager une petite théorie. Certaines personnes portent des chapeaux  pour se cacher, pour ne pas se dévoiler, par pudeur. Ce sont des personnes qui ne s’acceptent pas. Elles portent donc un chapeau de couleur fade et très discret pour qu’on ne les remarque pas. D’autres, au contraire, vont porter des chapeaux colorés et très fantaisie qui vont nous permettre de dire que ces personnes ont confiances en elles. Mais il y aussi celui qui porte un chapeau par effet de mode, pour faire comme les autres. Même si le chapeau est majestueux, c’est pour cette personne une manière de se cacher. Cette personne essaie de se forger une personnalité tout en se fondant dans le groupe, éternel adolescent qui cherche sa voie… Cette petite théorie est basée sur des idées peut-être trop schématiques, certes mais elle permet quand même d’affirmer que chaque chapeau reflète une personnalité. C’est à chacun d’interpréter comme il le veut, mais nous, nous pensons qu’un chapeau en dit long sur une personne…Ainsi, les œuvres de Philipe Treacy nous ont aidées et ont influencées notre démarche artistique.
Outre tout ce qui vient d’être dit,  nous avons voulu inviter le spectateur à un voyage imaginaire mais aussi à un voyage dans l’espace. Pour accentuer encore plus le côté surréaliste de notre œuvre, nous avons personnifié nos chapeaux à tel point qu’ils peuvent voyager plus particulièrement ici entre New York, Sydney et Tokyo. Nous sommes jeunes, nous rêvons de voyages, de découvertes. New York, Sydney et Tokyo sont nos villes favorites, les villes qui nous donnent envie de voyager et d’apprendre.
Si nos chapeaux voyagent, c’est qu’ils servent de couvre-chef à des personnalités qui nous ont marquées. Pour moi, Julie, ce fut Coco Chanel. Pour le choix de ces personnalités, nous
avons fonctionné selon le principe du  « Brain Storming », l’orage de cerveau. J’ai donc pensé à Coco Chanel sans vraiment y réfléchir. Maintenant, après  mûres réflexions, je suis à même de vous expliquer pourquoi j’ai voulu être le chapeau de Coco Chanel. J’ai voulu être son chapeau, car Coco Chanel incarne pour moi l’élégance, la créativité et l’innovation.  Elle a libéré la femme du corset et de ses vêtements passéistes. De plus, Chanel était une femme passionnée et admirablement travailleuse. J’ai donc voulu me lover sur sa tête car c’est là que siègent l’intelligence et la fantaisie de cette femme. C’est comme si, en devenant son chapeau, je m’inspirais de son esprit.
Nous avons synthétisé  nos  idées et notre démarche dans les trois phrases suivantes : 
« Si j’étais un chapeau, je serais le chapeau de Peter Pan, gris avec des poids violets. Je trônerais sur la tête de Thierry Henri pour aller visiter New York. »
« Si j’étais un chapeau, je serais un chapeau melon rose. Je me loverais sur le chef de Coco Chanel pour découvrir Sydney. »
« Si j’étais un chapeau, je serai le chapeau du chat Botté. J’habiterais la tête de Rachida Dati, qui m’emmènerait à la découverte de Tokyo. »
Et c’est en visitant la réserve du musée que nous avons pu trouver une présentation fédératrice à nos trois œuvres.  En effet, dans cette réserve, nous avons trouvé un cadre divisé en trois, un triptyque. Dans ces trois parties, on discerne trois femmes portant chacune un chapeau différent. Ces trois chapeaux sont très majestueux, très fantaisie et très fou. Cette œuvre est en accord parfait avec la nôtre. Aussi, nous l’avons sélectionné pour l’exposition « If I were… ».
Cette œuvre permettra au spectateur de mieux comprendre notre œuvre à nous, à moins que notre version des faits soit trop folle !

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